Master Science de l'ingénieur - Spécialité Acoustique - Stage de deuxième année

Cartographie sonore en milieu urbain : déploiement de Mégamicros sur le campus de Jussieu

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  • Contexte
  • Système Mégamicros
  • Dimensionnement
  • Résultats

Contexte / Etat de l'art

Mon stage s’est déroulé au sein de l’équipe MPIA de l’Institut Jean le Rond d’Alembert. Le travail réalisé s’inscrit dans le projet Mégamicros qui a pour but de réaliser un système d’imagerie acoustique à très grand nombre de microphones pour obtenir des images très résolues. Un objectif à moyen terme est de se doter d'un système à 1024 microphones. L'imagerie acoustique consiste à rechercher la position et le niveau des sources acoustiques à partir d'enregistrements issus d'un réseau de microphones. Notre objectif est de proposer une alternative aux techniques actuelles pour le calcul des cartes de bruit.

En effet, en 2002 l'Union Européenne a adopté une directive instaurant des outils concrets de lutte contre les nuisances sonores. En effet, depuis 2012, toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants doivent se doter de cartes stratégiques du bruit et établir dans l'année qui suit un PPBE proposant des solutions pour réduire l'impact du bruit sur les citadins. Les cartes sont estimées en niveau Lden (Day, Evening, Night) et en niveau de nuit Ln. Les institutions compétentes commandent l'établissement de ces cartes à des bureaux d'étude qui vont utiliser des modèles numériques de propagation implémentés dans des logiciels comme SoundPLAN, CadnaA ou encore MITHRA-SIG. Le principe est d'utiliser le cadastre pour faire un modèle en 3D de la ville et positionner dans ce modèle des sources type représentant les différents types de trafic (routier, ferroviaire) et ensuite de propager les signaux (notamment par des méthodes de tir de rayons). Un des principaux désavantages de ces cartes est qu'elles cloisonnent les types de source. Cela est accentué par le fait que l'établissement d'une carte de bruit incombe à différents acteurs s'il s'agit d'une rue (la commune) ou du rail (l'Etat), ce qui ne permet pas une information exhaustive aux citadins exposés à différentes sources de bruit. Un exemple de ce problème est visible sur la figure suivante. On y voit la carte de bruit commandée par la mairie de Paris en 2007. Elle concerne le trafic routier, il n'y figure pas les informations sur le niveau dû au trafic ferroviaire car ce n'est pas de la compétence de la mairie de Paris mais de l'Etat de réaliser la carte (le PPBE associé est disponible ici).

Carte du niveau Lden à Paris réalisé en juin 2007 - Source : Marie de Paris

L'objectif de ce stage est donc de mettre en place un système permettant de réaliser des cartes de bruit expérimentales et donc, de facto, prenant en compte tous les types de source de bruit. Pour cela, les avantages du système Mégamicros (grand nombre de microphones) seront exploités pour construire une grande antenne et ainsi, grace à un algorithme classique de formation de voies, cartographier le niveau acoustique sur un grand espace. Le premier lieu de test du système alors conçu est le campus de Jussieu. En effet, le chantier en cours (au printemps 2014) offre une diversité de sources sonores parfaite pour cette phase de test.

Système Mégamicros

Le projet Mégamicros repose sur une innovation technologique : les microphones numériques MEMS. L'intéret majeur de tels microphones réside dans le fait qu'ils soient préconditionnés (filtre anti-repliement) et qu'ils aient un convertisseur analogique/numérique intégré. Les signaux sortant des microphones sont donc directement numériques, ce qui facilite nettement la chaine d'acquisition, voir le schéma fonctionnel ci-dessous. Par ailleurs, le constructeur (Analog Devices) nous promet une reponse en fréquence très plate de 100 Hz à 10 kHz. Cela convient à notre étude car les fréquences supérieures à 8 kHz sont rarement prises en compte en acoustique environnementale. Un dernier avantage, c'est le prix d'un microphone : 2€ pour une commande de 1000 unités en 2013.

Extrait de la documentation construteur des microphones MEMS

Le protocle de transfert I2S nous permet de faire passer l'alimentation et les données de huit microphones sur huit voies numériques. Cela nous permet donc d'avoir des faisceaux de huit microphones et connecter chacun de ces faisceaux à un concentrateur (appelé boitier Mégamicros) par câble éthernet RJ45. Un boitier Mégamicros est composé d'une série de 16 ports RJ45, ce qui permet donc d'enregistrer les signaux de 128 microphones en simultanée. Le schéma fonctionnel du boitier (développé à l'institut) est disponible dans la figure ci-dessous. On peut aussi voir que des entrées analogiques sont prévues et que le transfert se fait par USB 2.0 sur ordinateur (débit nécessaire pour 128 microphones échantillonnés à 50 kHz : 24,4 Mo/s)

Schéma fonctionnel du boitier Mégamicros
Non indiquée sur le schéma, l’alimentation de la carte peut être fournie par plusieurs sources : l’ordinateur (via le port USB), le secteur ou une batterie intégrée au boitier. Cette dernière, ainsi que l’interface USB rendent le système Mégamicros autonome et facile à déployer en situation nomade.

Dimensionnement de l'antenne

Outils de simulation

Modèle de propagation

On cherche ici a déterminer la meilleure antenne pour imager la pollution sonore sur le campus. Pour cela, on crée un outil de simulation qui propage le signal d'une ou plusieurs sources sur les microphones dont on a définit les positions. La propagation se fait en utilisant une fonction de Green de champ libre pour des sources avec des rayonnements monopolaires (on considère ici des bruits blancs et des sinus monofréquentiels).

Formation de Voies ( ou beamforming)

On cherche maintenant a rétropropager les signaux (sans a priori) en utilisant l'algorithme de beamforming. Pour cela on se donne un espace à imager et on le discrétise en pixels sur lequel on va calculer l'estimation de la pression au pixel p en fonction de la pression reçue les Nm microphones tel que :

Outil de comparaison d'antenne

Un outil de comparaison est imaginé pour comparer les différentes antennes imaginées : la profondeur de champ. La profondeur de champ est définie comme la largeur à -3 dB de la formation de voies sur une doite passant par la source, voir figure ci-dessous

Exemple de calcul de profondeur de champ pour une antenne linéaire de 128 microphones

Restrictions techniques

L'état d'avancement du projet Mégamicros et la disponibilité de microphones nous ont limité dans la réalisation d'une antenne. En effet, seuls 128 micros peuvent être enregistrés en même temps pour l'instant. Par ailleurs, pour avoir une discrétisation spatiale suffisante, les microphones ne sont pas espacés de plus de 17 cm. Cela nous donne donc une antenne mesurant au maximum 21,6 m de long (pour une antenne linéaire). Elle sera installée sur la tour Zamansky car elle offre le point d'écoute le plus haut, on pourra donc entendre tous les bruits du campus.

Nous avons donc créé une antenne linéaire composée de 8 barres suportant chacune deux faisceaux de huit microphones. De la mousse a été apposée sur les microphones pour réduire le bruit dû au vent sans modifier significativement la sensibilité des MEMS.

Photographies de l'antenne

Simulations

Beaucoup d'antennes ont été comparées mais seule celle qui a été conçue nous intéresse ici. On presente sur la figure suivante à gauche le résultat d'une simulation pour trois sources de bruits blancs de niveaux 72,4 dB, 75,4 dB et 69,4 dB pour l'antenne de 128 microphones créée. Un bruit aléatoire est rajouté sur chaque microphone pour simuler le vent.

Simulations pour l'antenne de 128 microphones en haut de la tour Zamansky

On observe alors une légère surestimation des niveaux (0,1 dB). Cependant, sur la figure de droite on voit bien que la profondeur de champ n'est pas bonne sur tout le campus. La même figure nous indique que si la source est près de la tour centrale on peut déterminer sa position suivant la profondeur, mais si elle est trop loin ou trop sur le côté, seule l'information sur l'angle d'arrivée sera disponible.

Résultats de mesures

Les résulats des mesures réalisées sur la tour Zamansky le 13 juin 2014 et sur la barre 45-55 le 3 juillet sont présentés de deux sortes : en niveaux instantanés sur des périodes de 125 ms sous forme de vidéo et une carte du niveau équivalent sur une minute.

Tour Zamansky

Niveau équivalent sur une minute pour l'antenne de 128 microphones en haut de la tour Zamansky

On voit sur cette dernière figure que le niveau équivalent met bien en avant les sources stationnaires par rapport aux sources transitoires. C'est notamment le cas ici où le niveau du marteau-piqueur (que l'on voit apparaitre deux fois, de façon assez forte, sur la vidéo) est finalement faible sur une minute.

Barre 45/55

Niveau équivalent sur une minute pour l'antenne de 128 microphones disposée sur la barre 45/55

On voit bien ici que la plus grande proximité de la scène sonore (barres de 23 m de haut et patio mesurant 45 m x 33 m) fait que l'on arrive tout à fait à focaliser et déterminer la position des sources.